jeudi 12 janvier 2017

ÉCRIRE LES FLOKLORES D'ENNÂYER DE TLEMCEN
Ennâyer est le nom du premier mois du calendrier julien et dérive manifestement du latin İanuarius (janvier). C’est aussi le nom que porte une fête célébrée dans toute l’Afrique du nord en relation avec le solstice d’hiver et généralement celui-ci soit assimilé à la fête de "Mouloud du prophète Aïssa" du 24 djambir (décembre) julien. "Le Mouloud du prophète Aïssa" qui était fêté huit jours avant Ennayer était connu dans l’Aurès sous le nom de "BOU INI", cette appellation serait dérivée du latin Bonus Annus. D'autres y voient une contraction de « Bu-Imnian » (le jour des piquets de tente), commémorant le geste de semi-nomades revenant de transhumance et inaugurant ainsi leur cycle sédentaire. Ennayer, qui est appelé aussi Haggus chez les Amazighes du Maroc, est la Porte qui ouvre l’année, l’Ansara au solstice d’été est celle qui la ferme. On constate qu'à quelques détails près, les rites de l’Ennayer sont les mêmes d’un bout à l’autre du Maghreb. Mais la fête principale est bien l’Ennayer qui dure, selon les régions, deux, trois ou quatre jours. Le dernier jour de l’année, la veille de l’Ennayer, est conçu comme un jour de deuil et la cuisine s’en ressent. Le plus souvent on se prive de couscous qui est remplacé par du berkoukes, boulettes de farine cuites dans un bouillon léger. Ailleurs on ne consomme que du lait ou des légumes secs cuits à l’eau ou encore des pédoncules d’arum, comme en Kabylie.
les rites de l’Ennayer peuvent être ramenés à quatre préoccupations dominantes : écarter la famine, présager les caractères de l’année à venir, consacrer le changement saisonnier de cycle et accueillir sur terre les Forces invisibles représentées par des personnages masqués. Donc l’Ennayer est marqué, en premier lieu, par la consommation d’un repas riche de bon augure et tous doivent sortir de table rassasiés afin que l’année soit prospère. Il n’est pas étonnant que pour ce repas on prépare des mets ou des friandises inhabituels, tels des gâteaux aux œufs (harira de Tlemcen), du Tride et Sfenj de toutes sortes. Il est d’usage dans la plupart des villes et campagnes marocaines ou algériennes de manger à l’Ennayer le plat des « sept légumes » fait uniquement de plantes vertes. A peu près partout on sacrifie des poulets ou des chevreaux ou moutons. En Kabylie où l’Ennayer est moins fêtée que dans le reste de l’Algérie, on consomme ce jour là une tête de bœuf qui est auparavant brandie au-dessus du garçon né dans l’année, afin qu’il soit « une tête » dans le village. C’est ce jour-là aussi qu’est pratiquée sur ce garçon né dans l’année la première coupe de cheveux. En plusieurs régions éloignées les unes des autres (à Blida, chez les Beni Hawa à l’ouest de Ténès, chez les Beni Snous dans la région de Tlemcen) il est signalé, à l’occasion de l’Ennayer, la consommation de racines et du cœur de palmier-nain (Doum). On explique cette coutume par l’espoir que l’année soit verte comme les plantes consommées et comme les jonchées de palmes et autres plantes vertes sur les terrasses ou le sol des tentes.
Comme a été écrit: tel vous trouve l’Ennayer, tel vous serez durant toute l’année. Il faut, ce jour-là, se montrer gai, aimable, généreux, riche et les personnes qui s’abordent échangent des souhaits. Les cultivateurs se renseignent sur le temps qu’il fera pendant les premiers mois de l’année en examinant les boulettes de berkoukes ou le sang des animaux sacrifiés. Dans le même espoir, les Kabyles allaient converser avec leurs bœufs et leurs chèvres. Au cours de la fête de l’Ennayer, des masques divers interviennent, réclamant de l’argent ou des mets destinés à la célébration collective, ce sont « l’âne aux figues » à Nédroma, "le BOU BNANI" à Tlemcen, "le BOU REDOUAN" dans l’Ouest tunisien, ailleurs un chameau ou un lion mais le personnage le plus important est la Vieille de l’Ennayer.
La Vieille (العجوز) se présente comme une fée dont on menace les enfants qui ne mangent pas suffisamment le jour de la fête ; elle leur ouvrira le ventre et le bourrera de paille". On a soin de réserver, sous un plat une partie du dîner destinée à la Vieille. Enfin de nombreuses légendes font intervenir ce personnage connu dans toutes les régions méditerranéennes, la Vieille intervient régulièrement dans les explications données sur l’emprunt des « jours manquants » de février.

Extrait du livre : Pensées sur Tlemcen d'autrefois, par Kossay Zaoui.


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