Il était une fois, dans les temps anciens, lors de la présence arabo-musulmane dans la Péninsule Ibérique … dans le petit Royaume de Chelb (Silves) au sud du Portugal, dans le Gharb (Algarve), un Prince Charmant du nom d’Ismaël Ben Abdallah Ibn Al Mundim qui dirigeait la Principauté d’Al ‘Uliya, (Loulé) avec une sagesse rare. On disait partout de lui qu’il était un cavalier émérite, un guerrier courageux, un prince généreux, un homme raffiné, un esprit fécond, un juge équitable et un Musulman persuadé que la justification de sa présence en cette partie du monde était de remettre à l’Europe une proposition de civilisation universelle, une invitation au partage et au progrès. Au plan politique il passa des alliances avec tous ses voisins qui voyaient en lui un leader régional, ce qui eut pour conséquence la prospérité de son territoire. La situation exceptionnelle d’Al’ Uliya (Loulé) lui redonna le rôle que Phéniciens et Carthaginois lui avaient déjà attribué, celui de réseau d’abris maritimes et de comptoirs commerciaux, autrement dit de foyers de sécurité et de richesse.
Un jour, le Prince Ismaël reçut une délégation officielle de Vikings venus conclure avec lui un accord pour utiliser ses ports lors de leurs courses dans cette partie de l’Océan. Comme cela se pratiquait à l’époque, ils arrivèrent avec toutes sortes de cadeaux provenant tant de leur pays d’origine que d’autres contrées ’’visitées’’ çà et là, à travers le monde. Parmi les présents offerts, le prince fut étonné de trouver une très jolie jeune femme, dont on lui dit qu’elle était une princesse nordique, fille d’un Roi récalcitrant récemment ‘’puni’’ et dont le palais avait été mis à sac.
La Princesse, du nom de Gilda, c’est-à-dire ’’servante de Dieu’’, magnifique blonde aux yeux bleus, à la beauté rare, que l’on nomma partout ‘’La beauté du Nord’’, était calme et docile. Elle entra dans le Harem du Prince mais fut très rapidement séduite par le raffinement des manières de son ’’maître’’ dont le patronyme signifie aussi ’’serviteur de Dieu’’. De son coté, lui non plus ne cacha bientôt plus son immense intérêt pour elle. Il finit par en faire son épouse et ce lien se transformait en amour immense, à mesure que le temps passait.
Hélas, malgré son bonheur, la Princesse fut peu à peu prise de langueur et elle passait le plus clair de son temps à se morfondre à sa fenêtre, noyant son regard bleu d’une infinie tristesse, dans le paysage ou pourtant tout n’était que couleurs et beautés. Mille fois, le Prince l’interrogea pour savoir ce qui la rongeait et mille fois, il ne reçut qu’un soupir triste, accompagné d’un aveu d’ignorance, en guise de réponse.
La Princesse Gilda commença même à dépérir et le Prince, affolé, entreprit alors l’appel à son chevet des plus grands médecins de l’Andalousie, les plus compétents et réputés à travers le monde d’alors. Chacun d’eux, considérant la richesse affective dont bénéficiait la Princesse, avouait ne pas comprendre. Et c’est un vieux mage d’une grande sagesse, amené d’une contrée lointaine qui découvrit le mal de la Princesse :
L’homme de la science médicale fit son rapport au Prince et lui apprit que sa princière épouse était atteinte de ’’mélancolie’’, laquelle était due à l’éloignement de sa terre d’origine, de son climat d’origine, par trop différent de celui du Portugal et d’un élément fondamental des terres de son origine, la neige : la Princesse ne se faisait nullement à l’absence de neige dans la Principauté de Loulé !
Le Prince en fut grandement peiné. Il s’isola, devint irascible, inaccessible et de très méchante humeur. Lassé de faire des allées et venues vers les appartements de son épouse bien aimée, il décida d’aller cavaler dans la forêt de Monchique, là-haut dans la montagne, pour en respirer l’air pur et se baigner dans ses eaux thermales. Il enfourcha Badii, son cheval à la légendaire beauté et, piquant des deux, il partit, sans escorte ni compagnie vers les hauteurs. L’air de février cinglait son visage d’une vigoureuse fraicheur et ses yeux laissaient échapper des larmes … de circonstance. Longtemps après, il mit son cheval au pas et laissa errer son esprit par ces monts et ces vaux… cherchant désespérément comment rendre le sourire et la bonne humeur à sa blonde et belle Princesse du Nord.
Un instant après, il se surprit à sourire en regardant un arbuste au sommet duquel bourgeonnaient de petites fleurs blanches complètement inconscientes du mal que le froid pouvait leur faire, étourdies par leur propre beauté. Elles venaient là, être belles un temps bien court et disparaître. Comme des cristaux de neige … La seule évocation de ce mot le fit sourire, son visage s’illumina et aussitôt il tira sur les rennes et revint au triple galop vers Loulé…
Il convoqua son diwan, ses ministres et ses agronomes auxquels il donna des consignes claires, alternant les plus précises menaces et les sourires les plus prometteurs. Son regard était enfiévré et il sut communiquer à tous la passion pour son mystérieux projet, menaçant du pire quioserait en révéler la consistance.
S’ensuivirent 3 années de grands travaux en Al Gharb (Algarve). Le Prince Ismaël, lui, partageait son temps entre le chevet de sa Belle Gilda et les chantiers de ses mystérieux travaux. La mélancolie de ne s’améliorait guère mais la Princesse la supportait pour reconnaître les incessants efforts , les innombrables preuves d’amour que ne cessait de lui témoigner son époux princier.
Puis enfin, trois années après, un matin de février, le Prince Ismaël, tout excité, entra au lever du soleil dans la chambre de son épouse et la réveilla de cents caresses délicates en l’invitant à s’éveiller pour recevoir un cadeau. Elle crut qu’il s’agissait d’un énième bijou, de quelque autre brocard, d’une visite amicale… Mais il n’en était rien. Il l’aida à s’asseoir, puis à se lever et recouvrir ses épaules d’une fine pelisse. Il lui prit la main et la conduisit jusqu’à le fenêtre qu’il ouvrit comme une scène de théâtre. Et là !…
Le paysage entier était recouvert de "neige" !… Elle en resta bouche bée, écarquillant les yeux, s’agrippant à lui pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas et susurrant : Ô mon Dieu, Ô mon Amour, Ô mon Prince, Merci, Merci, Merci, souriant sans cesse et se serrant contre le Prince de plus en plus fort….
Le Prince Arabe, fou d’amour, avait fait planter toute la vallée d’amandiers qui commençaient ce jour précis leur faramineuse floraison !…
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