LES REGRETS DE BOABDIL APRÈS LA CHUTE DE GRENADE
Que le flot bleu palpite ; Que le roseau s'agite ; Au souffle du zéphir ; Que le soleil encore ; Ou l'étoile qu'il clore ; Brille aux cieux de saphir ; Rien pour moi n'a de charme ; De tout le coeur s'alarme ; Quand on vit dans l'exil. Oh ! qui pourra te rendre, Grenade, fleur si tendre ; Au pauvre Boabdil !
Je n'ouïrai plus du minaret ; La prière ardente et suave ; Qui seule garde le secret ; D'unir le prince avec l'esclave ; Mosquée, du faîte de la tour ; Par notre étendard couronnée ; Te reverrais-je encore un jour ; De tous tes fils environnée.
Sous tes bois d'odorants lauriers ; Quand dans les deux rugit l'orage ; Que les ombres de nos guerriers ; Viennent maudire Abencerage ; Traître à son roi, traître à son Dieu ; Que le lâche qui nous opprime ; Ne profane plus le saint lieu ; Par la présence de son crime.
Mon beau palais de l'Alhambra ; Où le jasmin vêt les arcades ; Jamais mon coeur ne t'oublira ; Avec tes sources en cascades ; Avec tes parfums enivrants ; Tes aimées aux fronts de rose ; Mes souvenirs désespérants; Suivent le fleuve qui t'arrose.
Oh mon pays , bientôt, hélas ! Comme un ruisseau près de sa source ; Dans le désert, sinistre, las ; Se perd au début de sa course ; Ainsi qu'un rayon matinal ; S'éteint sous la nue qui l'envie ; La mort dans son sein virginal ; Va reposer ma triste vie.
J'attends sans douleur, sans effroi ; L'heure où s'envole tout mirage ; Je veux mourir comme un grand roi ; Donnant l'exemple du courage. Tariq, Abdel Rahman , mes aïeux ; Si j'ai trahi votre vaillance ; Depuis lors les pleurs de mes yeux Ont lavé cette défaillance.
Echos de la patrie ; Que votre voix chérie ; M'apporte leur pardon ; Quand sur la plaine grise ; Gémissante la brise ; Baisera le chardon ; Qu'au simple mausolée ; Ma mère désolée ; Verse une fois des pleurs ; Et qu'une main amie ; Sur sa race endormie; Sème un jour quelques fleurs.
(Henriette Hanric)
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