dimanche 18 janvier 2015

CONTE ARABE TROUVÉ À TLEMCEN: "Le GÉNIE DE L'AIDOUR, حكاية عفريت الهيدور"

Traduction par HENRI DE SARRAUTON et illustrations par GEORGES SCOTl

Mot du traducteur

Pendant la campagne qu^a faite le général Lyautey chez les Beni-Snassen (Beni Znassen), un soldat de la  légion étrangère trouva, dans les ruines d'un gourbi démoli par le canon, une petite caisse  de bois peinte de diverses couleurs et fermée à clef. En pareille circonstance, on croit, généralement, avoir mis la main sur un trésor et, généralement aussi, on est déçu. C'est justement ce qui arriva au légionnaire qui, ayant défoncé la caisse d'un coup de crosse, n'y trouva pas la  moindre espèce sonnante, mais seulement des papiers jaunis couverts d'écriture arabe.

Il fut sur le point de les jeter au vent ; cependant, comme le bagage était léger, il se ravisa et, enveloppant la paperasse dans un chiffon, il mit le tout dans son sac, avec l'espoir que quelque amateur de grimoire pourrait bien lui en donner quelque chose. En revenant à Tlemcen, après la campagne, ce soldat montra les papiers à M. V... qui  est négociant et fait un important commerce avec les tribus marocaines de la frontière. Plutôt par libéralité que par curiosité, M. V... donna quelque menue monnaie au soldat et prit les manuscrits. Mais, non moins incapable que le légionnaire de lire l'écriture arabe, M. V... jeta ces manuscrits au fond d'un tiroir.

Il me les communiqua lors de mon dernier voyage à Tlemcen, et j'y trouvai quelques actes  de cadi sans intérêt, mais aussi une liasse de papiers très vieux et lacérés que je me mis aussitôt à déchiffrer avec passion, car les premières lignes m'apprirent que j'avais sous les yeux une  œuvre de littérature remarquable et tout à fait inconnue.  Mes lecteurs savent, sans doute, qu'en arabe l'écriture est loin de présenter la même clarté  que dans nos langues européennes. Dans cette langue, et généralement dans les langues sémitiques, on n'écrit ordinairement que les consonnes ; les voyelles restent sous-entendues. Le lecteur est donc obligé de suppléer par la pensée des signes phonétiques que le texte n'exprime pas, et se trouve enfermé dans cette espèce de cercle vicieux : lire pour comprendre, comprendre pour lire.

Ceci peut donner une idée du pénible travail que nécessite la seule lecture d'un texte arabe lorsque l'écriture est mauvaise et que le temps a effacé certains mots. Il ne me fallut pas moins  de deux semaines d'un travail assidu pour établir une copie du manuscrit. Après avoir transcrit toutes les pages, j'eus le chagrin de constater que le manuscrit est
incomplet. Les pages de la fin, en nombre inconnu, ont été perdues, de sorte que le conte ne .se termine pas. Cette regrettable circonstance m'a fait hésiter quelque temps à publier ma traduction, car nécessairement un roman dont le dénouement est retranché perd beaucoup de son inté-
rêt. Cependant il m'a semblé que, ne fût-ce qu'à titre de curiosité, l'ouvrage, quoique incomplet, mérite d'être publié.

Le manuscrit ne porte ni date ni nom d'auteur. Peut-être ces indications se trouvaient-elles dans les pages finales qui manquent. On peut présumer que l'auteur écrivait dans les premières années du siède dernier, vers 1805 ou 1810. Sans doute il habitait Oran, car c'est dans cette ville qu'il place son héros, et certaines descriptions prouvent qu'il la connaissait parfaitement. Je ne veux pas clore cette introduction sans dire quelques mots de la traduction que je livre au public : je me suis appliqué à serrer le texte arabe d'aussi près que possible et j'en ai reproduit les tournures et les images toutes les fois que j'ai pu le faire sans violenter le génie de la langue française. J'ai poussé l'exactitude jusqu'à reproduire ces invocations dont les musulmans font toujours suivre le nom de Dieu : « Qu'il soit exalté, ou glorifié, etc.. » Je me doute bien que ces formules paraîtront bizarres à bon nombre de mes lecteurs. Cependant il m'a semblé qu'en les supprimant j'aurais enlevé à la traduction quelque chose de la physionomie tout orientale, du caractère mystérieux et de la poésie grave que respire le texte arabe.
https://archive.org/details/legniedeladour00sauruoft

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

الجزائر بـ «قبر الهجمات - Alger « tombeau des attaques »

 La côte d'Alger a souvent été surnommée le « tombeau des attaques » en raison des échecs répétés des grandes puissances européennes à s...