lundi 22 avril 2019

"Harak" en Algérie, Une sensation de "déjà-vu"...

L'histoire se répète et la bêtise aussi parce que les politiciens sont dures d'oreille. Et comme autrefois, il ne pouvait y avoir de "paix" durable en Algérie puisque la survie de chaque clan exigeait la disparition des autres. Ibn Khaldûn voit que la Fitna est la forme la plus négative de la violence qui engendrerait le désordre public sans accoucher d’un Etat et c'est présisément ce qui s'est passé en Andalousie...

Au début du XIe siècle, le califat omeyyade en Andalousie semble plus fort que jamais. Si le pouvoir effectif n’est plus aux mains du calife – qui est otage dans un palais cordouan à un simple rôle de représentation – mais aux mains des Amirides (dynastie mise en place par le puissant El Hajib El Mansour), ceux-ci pensaient contribuer au rayonnement politique du califat, mais en réalité ils l'ont vidé de sa substance et le califat omeyyade va disparaître en quelques décennies seulement.

En cause, un frère qui succède au sien où sa vanité et son incapacité à gouverner vont rapidement modifier fondamentalement le panorama politique et entraîner le califat dans une crise fatale que rien, en apparence, ne laissait prévoir. En effet, ce frère (Sanjûl ) cherche à confisquer encore un peu plus le pouvoir omeyyade : il se fait reconnaître héritier par le calife Hishâm II, qui est sans descendance. Très vite, ses prétentions au califat (alors qu’il n’est pas omeyyade) choquent une grande partie des sujets omeyyades. Les Cordouans considèrent qu’en se faisant reconnaître officiellement comme héritier désigné par le calife Hishâm II, Sanjûl va trop loin dans la confiscation du pouvoir : ils n’acceptent pas qu’un membre de la dynastie amiride, sans ascendance noble, puisse monter un jour sur le trône califal. Ce sont ainsi les prétentions de Sanjûl qui déclenchent, le 15 février 1009, la révolution de Cordoue. Une longue période de troubles commence alors ; elle durera plus de vingt ans. Il s’agit d’un coup fatal porté aux Amirides, mais aussi au califat omeyyade qui ne s’en relèvera pas et sera aboli en 1031, puis l'apparition des Taifa.

La crise dégénère alors en guerre civile, aux retournements politiques multiples et complexes. Après un siège de trois ans (1010-1013), les Amazighes parviennent finalement à prendre la ville de Cordoue : Hishâm II (le calife omeyyade proclamé) est déposé (et sans doute exécuté par la suite), et la ville, déjà vidée d’une grande partie de ses habitants, en proie à l’épidémie et à la famine, est complètement mise à sac. Jusqu’en 1023, les Amazighes imposent à Cordoue les califes de leur choix puis chassés de Cordoue en 1023, tandis qu’un Omeyyade est rétabli à Cordoue. Mais cette tentative de restauration omeyyade fait à son tour long feu : trois califes se succèdent, se maintenant de manière très éphémère au pouvoir, et sans connaître le même prestige que leurs illustres prédécesseurs. Le troisième calife Hicham III, quand il est proclamé calife en 1027, prend tout son temps à venir exercer sa fonction à Cordoue et reste longtemps cloîtré dans la ville d’Alpuente, n’osant s’installer qu’en 1029 sur le trône. Il est finalement chassé du pouvoir dès novembre 1031 par les notables cordouans. Ces notables décident par la même occasion de ne plus reconnaître aucun calife : c’est ainsi qu’en 1031 le califat de Cordoue, si prospère et glorieux quelques décennies plus tôt, disparaît dans l’indifférence générale.

Pendant plus de vingt ans, le califat de Cordoue s’est cherché un calife qui puisse à nouveau garantir la sécurité et la stabilité du pouvoir politique ; mais aucun des califes qui se sont présentés n’ont été en mesure de se maintenir au pouvoir et de redorer le blason du califat. Les troubles occasionnés par les rivalités intestines pour le pouvoir suprême ont, en outre, dévasté le territoire d’Al Andalus. Surtout, ainsi que l’existence d’un calife à Cordoue n’a plus de sens car il ne gouverne plus rien : plus de quinze villes d’Al Andalus (parmi lesquelles Grenade, Saragosse, Séville et Tolède), des gouvernements locaux et indépendants les uns des autres ont pris forme et se partagent l’ancien territoire du califat. D’où cette décision majeure, et alors inédite dans le Dar El Islam, de se passer de la magistrature suprême que représentait, depuis la mort du Prophète, le califat. Ainsi, avec la Fitna, c’est toute une page de l’histoire d’Al Andalus qui se tourne. En 1031, le califat cordouan laisse le champ libre à de nouveaux pouvoirs indépendants, les « royaumes de taïfas » (mulûk al-tawâ’if, « royaumes nés de la partition »).

E. Levi-Provençal parle ainsi du temps de la Fitna comme d’une histoire confuse et lamentable, portant donc un jugement de valeur hautement négatif sur cette période, puisqu’elle correspond à l’échec du califat et annonce la future disparition d’Al Andalus, bientôt assaillie par les Chrétiens du Nord dans le cadre de la Reconquista.


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