mardi 24 octobre 2017

L'IMAM IBN HAZM AL ANDALUSI ET L'AMOUR COURTOIS.

Parmi la douzaine des écrits d'Ibn Hazm qui nous sont parvenus, l'un des plus attachants est son œuvre de jeunesse, le Tawq al-hamàma ft l-Ulfa wa l-Ullâf, طوق الحمامة في الألفة والأُلاَّف. Dans ce Collier de la Colombe, véritable traité sur l'amour et les amants, Ibn Hazm a développé sa conception de l'amour. Je vous propose quelques extraits pour rappeler qu'est-ce que c'est l'amour galant et raffiné:

Ibn Hazm prend soin de préciser que «l'amour n'est point condamné par la religion, ni prohibé par la Loi car les cœurs sont dans la main d'Allah, Puissant et Grand»...«est pour moi aussi vital que la respiration, et j'ai remis à mon œil les rênes de mon coursier» Mon opinion, dit Ibn Hazm, «est que c'est une conjonction des diverses parties des âmes, parties qui sont divisées entre les diverses créatures, conjonction qui s'opère dans leur élément originel le plus haut». Il poursuit ainsi : «L'amour est quelque chose qui se trouve dans l'âme elle-même»; l'amour est, à coup sûr, «un état de complaisance spirituelle, de fusion des âmes»

Pour Ibn Hazm, l'amour entraîne une transformation : «L'amour fait voir à l'homme sous de riantes couleurs ce qui lui répugnait naguère. Il lui fait paraître aisé ce qui lui semblait difficile. Il va jusqu'à transformer les caractères innés et les dispositions naturelles» L'amour exerce sur les amants une véritable emprise. C'est un mal accablant», pour Ibn Hazm : «C'est une maladie dont le malade se délecte, un tourihent qu'il désite. Quiconque en est atteint ne souhaite pas de guérir; qui en souffre n'en veut pas être délivré»

Voici comment Ibn Hazm voit et décrit le comprtement de l'amant : «on voit l'amoureux se détourner ouvertement des personnes présentes sauf de l'être aimé. Il va jusqu'à montrer pour la famille, pour les proches, pour l'entourage immédiat de la femme aimée une affection telle qu'elle surpasse celle qu'il éprouve pour les siens et pour ses amis personnels»
Pour Ibn Hazm, l'amour peut éclore à la suite d'une simple description et sans avoir vu l'objet aimé. «Les récits, la description des belles qualités, les informations ont une influence évidente sur l'âme». la naissance de l'amour s'accompagne toujours d'indices, d'après Ibn Hazm.

Ces signes qui révèlent l'amour et trahissent l'amant sont divers : contemplation prolongée de l'être aimé, intérêt manifesté à l'écouter, à être auprès de lui. Plusieurs gestes des amants sont significatifs : ainsi chercher à toucher la main de l'aimé au cours de l'entretien, boire le reste laissé par l'aimé dans sa coupe. Parmi les signes de l'amour (Alamate al-hubb, علامة الحبّ), on relève le langage des yeux, les allusions par la parole, les égards que l'amant a pour l'aimé, la mémoire qu'il garde de tous ses faits et gestes, la confusion et l'émoi que l'amant montre quand il est soudainement mis en présence de l'aimé, le trouble qui se manifeste chez l'amant quand il entend prononcer le nom de l'aimée. La timidité est également un signe de l'amour. Ibn Hazm cite le complexe de timidité qui empêche l'amant d'extérioriser ses sentiments même par allusions. Les choses traînent alors en longueur, l'amour se flétrit et la consolation arrive.

Les souffrances de l'amant sont également morales. Il endure toutes sortes de tourments. Ibn Hazm fait état de l'affliction qui s'empare de l'amant, des gémissements qui s'exhalent d'un cœur désespéré. La discrétion est une des règles essentielles de l'amour courtois. Ibn Hazm l'observe strictement et ne nous révèle pas les noms des personnes qu'il a connues et dont il nous rapporte les aventures. Ibn Hazm est d'avis que l'amant doit garder son secret, éviter de se trahir par la pâleur, le regard ou les larmes. La discrétion est souvent motivée dans la société cordouane par le désir de l'amant d'éviter les conséquences de la divulgation de son secret lorsque l'être aimé est d'un rang illustre. L'indiscrétion peut entraîner la fin de l'amour.

Ibn Hazm consacre plusieurs chapitres aux accidents de l'amour. Ces côtés négatifs découlent de sa définition de l'amour. Ainsi, «l'âme de celui qui n'aime point la personne qui l'aime est entourée de tous côtés par des accidents qui la cachent, par des caractères matériels qui l'obnubilent, en sorte qu'elle n'a pu prendre conscience de la présence de la partie qui était appelée à s'unir à elle dès avant son séjour dans son enveloppe actuelle. Si elle était débarrassée de ces entraves, il n'est pas douteux que cette âme et l'autre auraient part égale à l'union et à l'affliction réciproque»

Les accidents de l'amour les plus courants sont les reproches, l'aversion, Péloignement, l'inconstance, la froideur. L'impatience est une calamité puisque l'amant ne reçoit pas encore de marques d'amour. Il y a aussi le désespoir, comporte toute une gamme de degrés, selon Ibn Hazm. un accident fréquent est la consomption. Elle surgit lorsque l'amant doit tenir son amour caché, pour une raison quelconque, ou bien lorsque l'union avec l'être aimé est interdite, soit à cause d'une séparation, soit parce que celui-ci l'évite.


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