lundi 8 août 2016

PEUT-ON ENCORE PARLER DE TLEMCENIEN DE SOUCHE?
Tous les jours, nous assistons à une fracture majeure dans la société algérienne, à la fois sociologique, politique, culturelle, linguistique, idéologique, et ethnique entre les différentes couches populaire qui constituent le peuple algérien. Dernièrement, j'ai remarqué qu'à Tlemcen la naissance d'un nouveau bloc ; un bloc qui semblerait "délaissé et défavorisé" constitué principalement par les classes populaires dites "de souche" et qui se sent envahi, malmené boulversé dans ses moeurs et ses traditions voire dépossédé de sa culture. Cette classe populaire de souche souffre en silence et pense n’avoir jamais la parole, et croie que "El Braouiya" sont nullement abandonnées mais au contraire privilégiées dans d’énormes proportions car ils ont pris la place des " Vrais Tlemcenis ou Hadars" qui eux ont été déportés.
Et donc, la question de " Pur Tlemceni, Oueld El Bled" continue à émerger comme une évidence pour ceux qui ont employé l'expression. Originaire de Tlemcen, l'ancienne capitale cosmopolite des Zianides et carrefour des civilisations, scientifique de formation, et ayant eu la chance de découvrir son histoire, j'ai naturellement disséqué cette question "Vrai Tlemceni" du point de vue du historique et scientifique car elle revient souvent sur ce groupe.
Il faut d'abord remettre Tlemcen dans sa place historique : il est difficile voire impossible de définir les limites géographiques de ce qu'est Tlemcen. Nous l'avons vu à plusieurs reprises ici que ses frontières n'ont cessé d'évoluer à cause des perpetuels conflits au cours des siècles. Tlemcen était amazighe, romaine, germanique, arabe, espagnole, ottomane, française ; sans parler des groupes de commerçants majoritairement européens et africains et des grands mouvements migratoires - dû par exemple à la chute de l'Andalousie en 1492 - qui se heurtaient aux remparts de Tlemcen et qui parfois s'y installaient.
Du côté de l'ADN et donc la génétique et l'hérédité, essayer de chercher des caractères phénotypiques communs entre les "Vrai Tlemceniens" est un combat perdu d'avance et reviendrait à chercher une aiguille dans une botte de foin. Car, comment peut-on différentier le patrimoine génétique de chaque population issue des vagues migratoires et des invasions du Moyen Âge mais aussi des migrations économiques? La seule exception, peut être est trouvé chez certains nomades du Sahara qui ont su involentairement garder une certaine homogénéité génétique mais au final, ils n'ont jamais formé une nation unique. Et les questions "du droit au sol" et "du droit de sang" dans tout ça? On estime par exemple qu'une grande génération de Kouloughlis qui constituait une part importante de la population tlemcenienne est née non pas du père officiel, mais d'un inconnu, dont on ignore l'origine et donc les gènes.
Ainsi la population tlemcenienne est fortement métissée et condamnée au croisement génétique. Les tlemceniens normalement devraient se nourir de l’échange et s'épanouissent dans les atmosphères de la rencontre comme l'a fait auparavant nos ancêtres. Rappelons ici, que les invasions médiévales et les extensions coloniales en provoquant la disparition de milliers de sociétés, de langues et de cultures, ont appauvri la diversité. De même, la mondialisation contemporaine peut conduire à une uniformisation des modes de vie et de pensée. Pour autant, au sein des sociétés modernes s’inventent de nouveaux brassages et de nouveaux métissages. Oui, Tlemcen a une culture particulière, mais a toujours su maîtriser un système d'oppositions binaires (tradition/changement, société traditionnelle/société moderne). Ceci, constituerait, d'une certaine façon, le « génie » de cette société, mais aujourd'hui cette même société, comprend-t-elle le message transmis de génération en génération via le traditionnel? Or pourquoi le traditionnel s'incarnerait-il dans certains tenues vestimentaires et pas dans d'autres, dans certaines paroles à l'exclusion d'autres ?
La société tlemcenienne s'est métissée, notamment par le fait des migrations. Le métissage était alors et d’abord une expérience réjouissante individuelle et personnelle qui était portée par les couples mixtes et leurs enfants ou les jeunes issus des différentes migrations. Ces jeunes garçons et filles grandissaient au sein de plusieurs langues et cultures, plusieurs valeurs. Nous avons aujourd'hui hérité d’une identité complexe faite de plusieurs appartenances ou références mais elle est composite. Et si "le pur-sang tlemcenien" ne sert qu'à refuser l'autre et donc ceux que l'on veut pas comme tlemcenien? Dans les siècles précédents, il y avait des tlemceniens amazighes, arabes, turcs, juifs, français, espagnoles, andalous, vénétiens, génois, blancs, noirs, bruns...Dans quelques décennies, peut-être avant un siècle, les cultures tlemceniennes, s’étendent au point que les identités plurielles deviennent le lot commun.


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