L'INCARNATION DES ESPRITS ET LA SPIRITUALISATION DE LA MATIÈRE CHEZ LES TLEMCENIENS
En essayant de classer par ordre d'originalité croissante, nous pouvons dire que les Marabouts prennent la première place. Il s'agit ici de sanctuaires caractérisée par "une Koubbah". Mais dans ce cas précis on a souvent à faire à un mausolée oú la présence du saint est symbolique et n'aura servit que de prête-nom et dans la majorité des cas ce sont des saints celèbres.
En deuxième position, nous avons une simple et modeste construction quadrangulaire, pas toujours cimentée car les pierres ont été apportées par les fidèles et qu'on peut qualifier de M'qam, مقام. Il arrive que le nom n'est pas connu mais que la population baptise "Sidi El Mokhfi" qui veut dire le saint caché ou le saint obscure. Jamais ces lieux n'ont été appelés, "M'rabet, Wali ou M'zar" qui signifie lieu de prière ou de pélérinage.
En troisième position pour identifier l'élément sacral c'est le "tas de pierres", "El Karkour, الكركور". Ici les visiteurs viennent pour jetter "leur pierre" et grossir ainsi le tas sacré. C'est une forme de lapidation qui permet à l'officiant à passer son mal à la pierre. Je ne sais pas si cette pratique est toujours vivante mais cet acte cache ce qu'on appelle le culte naturaliste. C'est ainsi que certains arbres sont devenus sacrés et prennent la place du Marabout. C'est le cas de "Lalla Baqça" pas loin d'El Eubbad, au niveau de Aîn Wanzouta. Au niveau d'El Masourah, une "Zedbouja, un olivier" un Maqam a été construit autour d'elle. Tout près des remparts d'El Mansourah, il se trouve un laurier-rose devenu marabout, rien n'indique qu'il s'agit d'un marabout pourtant à l'époque les femmes amenaient pour guerir leurs nourissons frappés par le mauvais géni " Teir El Lil, طير الليل" ou la chauve-souris.
Voici ce qui a été décrit: "...La mère qui veut guérir de ce mal son enfant l'apporte auprès de ce laurier-rose, un peu avant le lever du soleil ou avant son coucher. un breuvage d'eau de la source voisine mêlées à quelques feuilles pilées du laurier Marabout que l'on fait avaler une partie à l'enfant, l'accomplissement de quelques rites (brûler du benjouin, ou une bougie), de courte incantations constituent le remède souverain"
Les musulmanes et les juives avaient l'habitude de visiter cet arbre marabout, les premières vennaient le soir alors que les autres c'est le matin: ".... C'est dans la croyance populaire l'âme de ce marabout est censée sortir de l'arbre au moment ou le soleil se couche. C'est alors qu'elle fait ses promenades nocturne et ne rentre occuper sa demeure, l'arbre, qu'au moment oú le soleil se lève..."
Nombreux sont les arabres qui sont sanctifiés Tlemcen, non pas seulement parceque ces arbres doivent leur existance au sang versé par la marabout mais aussi parcequ'ils incarnent des âmes occultes. on peut citer ici le caroubier de Sidi El Haloui ou encore la vigne Sidi Belhacen El Ghomari sur la ruelle des sept arc au voisinage de la grande mosquée.
Il faut dire que cette incarnation ne se limite pas qu'aux végétaux mais aussi aux sources d'eau. Les femmes de Beni Warnides se rendent souvent à une source bénite qui prend son eau de l'Oued Tafna. Elles viennent pour adresser des pierres et des offrandes au "Sidi Moul El Ayn ou Moul El Ayn, مول العين" ou le maître de la source qu'elles qualifiaient de Djinn. Le culte voué évite de priver les villageoises de ce bien précieux. Et pour des raisons similaires, d'autres sources chaudes, froides, thermales ou minérales sont sanctifiées mais au même temps habitées par les Djinns.
Les femmes de Tlemcen offrait un repas nocture aux Djinns, il s'agit de "O'chate el Fel, عشاء الفال" ou repas de bon augure. Il s'agit d'un plat de couscous sans sel car les Djinns n'aiment pas le sel, prépapré de préférence par une jeune fille célibataire. Le plat est déposé dansune chambre et toutes les femmes montent sur la terasse. Les hommes et les garçons ont été déjà chassés de la maison de jour là. Quand les femmes pensent que les Djinns ont fini de manger, elles se mettent à les interroger, en empruntant les formules d'usage puis attendent silencieusement la réponde: Si la question posée est le devenir d'un enfant malade, des cris de "Youyous" entendus à cet instant sont de nature à annoncer une guérison. Si c'est le contraire, des cris de douleur ou des bruits de hibou c'est que la mort de l'enfant est proche. S'il s'agit du sort d'une fille en quête de mariage, les Djinns feront entendre un bruit lointain d'orchestre de fête pour annoncer que le mariage est imminent.
Les Djinns peuvent incarner l'élément minéral, végétale ou hydraulique et même des animaux. Ils sont respectés parcequ'ils représentent un esprit bénéfique, telle que "nana El Hadja" ou Sainte pélerine, qui n'est autre que la mante religieuse (insecte vert). Mais il est des bêtes qui sont habitées par des mauvais génies, telles que la vermine qu'il est coutume de ne pas la tuer pour éviter la colère des mauvais génies.

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