Pour préserver et restaurer les plâtres du célèbre palais de l'Alhambra, Juan Parejo, gouverneur de l'Alhambra entre 1836 et 1844, a fait appel en 1837 aux frères Pisani, artisans français d'origine italienne travaillant à Paris. Bien que chargés par le gouvernement français de reproduire les décorations de l'Alhambra, les frères Pisani n'avaient jamais été confrontés à l'architecture musulmane andalouse.
Juan Parejo a déclaré que « les artistes français nous ont fourni la recette du plâtre, qui était jusqu'alors inconnue ». Cette technique/recette, essentielle pour la restauration du stuc et du plâtre finement façonnés par les artisans andalous, permettait également de créer des moules à partir des fragments originaux du palais. Les frères Pisani ont reproduit plusieurs fragments allant de 15 cm à 60 cm, choisis parmi les ornements les plus précieux de l'Alhambra. Souhaitant rendre cette collection accessible aux artistes et aux passionnés, les frères Pisani ont mis en place un système d’abonnement ; chaque abonné recevrait l'ensemble de la collection de quarante-trois fragments pour un prix de 100 francs.
Toutefois, une question demeure : d'où les frères Pisani ont-ils acquis cette technique/recette de restauration du plâtre et du stuc propres à l'architecture musulmane andalouse ?
Avant de se rendre en Espagne, les frères Pisani, François et Adrien, ont d'abord séjourné à Tlemcen, où ils ont étudié plusieurs monuments, dont El Méchouar, la Grande Mosquée de Tlemcen, la mosquée d'El Mansourah et celle de Sidi Belahcen Tenessy. On pense que c'est à Tlemcen qu'ils ont appris la technique appelée "apretón de barro", ou "pression de boue", qui permet de réaliser des moules identiques.
Il est également important de rappeler que des moules similaires réalisés par cette technique ont été collecté sur l'ancien l'atelier de faïence et de poterie datant du Xe-XI découvert dans l'ancienne ville d'Agadir à Tlemcen au début du XXe siècle. De plus, tout un quartier dédié aux potiers existait à Tlemcen dont le nom subsiste toujours, El Fekharine. Sans parler de la poterie de Oualhaça, M'sirda et Nedroma...Le résultat de cette technique de plâtre est visible sur la photo du mihrab de la mosquée Zianide de Sidi Belahcen Tenessy, réalisé à la fin du XIXe.
Les frères Pisani ont également appliqué cette technique pour la restauration et la préservation de plusieurs monuments historiques à Alger, notamment la mosquée Ketchaoua, la Casbah et le Palais des Raïs (ou Palais de la Bastille), leur permettant ainsi d'interagir avec des structures de la période ottomane avant de se rendre en Espagne.
Les moules créés par les frères Pisani sont préservés dans plusieurs musées à travers le monde, y compris le Louvre. La technique tlemcenienne a été cruciale pour la préservation de l'Alhambra, illustrant l'héritage culturel et architectural de Tlemcen, un véritable carrefour d'influences maghrébines et andalouses.
Ref: Reconstructing the Alhambra: Rafael Contreras and Architectural Models of the Alhambra in the Nineteenth Century, Asun González Pérez, 2017
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