IBN ARABI: PORTRAIT D'UN MAÎTRE INCOMPRIS ET CONTROVERSÉ
N'est-il pas possible d'étudier la doctrine de Ibn Arabi sans réduire sa pensée? Nous savons que certains gens de l’Islam «Ahlou El-Islam, أهل الإسلام» détestent la philosophie. S’ils la détestent, c’est parce qu’ils ignorent la signification du sens du terme philosophie. La pensée critique n'est-elle pas compsée de: la logique, la créativité, la responsabilité et la métacognition? Logiquement, elle ne doit s'inscrire dans une rhétorique compétitive-reductrice mais comme moyen de production significative de connaissances. Admettons, est-ce que faire des recherches sur les problèmes métaphysiques est une recherche dans la matière de la philosophie elle-même? Et par conséquence Ibn ‘Arabi mérite –t- il le titre de philosophe? pourtant il a très souvent utilisé "la sagesse" et "le sage" à la place du mot "philosophie" et "philosophe"
Voici un léger aperçu de sa vie:
Né à Murcie en Andalousie, Ibn Arabî grandit à Séville où sa famille s’est installée dès 1173. C’est là qu’il se forme aux différentes sciences islamiques, étonnant ses professeurs, nous dit-il lui-même, par ses talents intellectuels. Il grandit dans cet empire almoravide qui, on l’a vu avec Ibn Rushd/Averroès ou Al-Idrisi, fait une large place aux savoirs et aux intellectuels. Ibn Arabî fait d’ailleurs la connaissance d’Averroès en 1179, dans une rencontre apparemment organisée par son père, ce qui indiquerait que ce dernier s’investit plus dans la formation intellectuelle de son fils que celui-ci ne veut le laisser entendre. Dans ses écrits en effet, Ibn Arabî s’attache à se poser comme un homme qui s’est fait tout seul, indépendamment des influences ou des volontés des autres : s’il mentionne ainsi sa rencontre avec Ibn Rushd, c’est pour mieux minimiser l’importance qu’aurait eu le philosophe andalou sur la formation de sa pensée. Etudiant brillant, Ibn Arabî rédige dès les années 1185 des traités de jurisprudence, de théologie, de philosophie. Mais très vite, il est attiré par la voie mystique et ésotérique et se détourne des sciences profanes.
En 1196, à Fès, Ibn Arabî reçoit une révélation de la part du Prophète de l'islam: celui-ci lui apparaît en rêve pour lui remettre la « pierre de la sagesse ». Cette pierre, symbolisant la vérité atteinte à travers la Révélation, est le point de départ d’une réflexion mystique : seul le véritable croyant, ayant parcouru la voie mystique, pourra en embrasser simultanément toutes les facettes. Ibn Arabî aura de nombreuses autres visions et apparitions, qui le guideront dans son évolution spirituelle.
L’œuvre de Ibn Arabî ne se laisse pas facilement appréhender. D’abord par son ampleur : c’est près de 850 ouvrages que le mystique andalou aura rédigés au cours de sa vie. Ensuite par sa difficulté : brassant philosophes grecs et lectures contemporaines de ceux-ci, poèmes mystiques et ouvrages théologiques, il livre des textes pétris de référence et souvent délibérément écrits comme des énigmes que le lecteur devra percer. Les surnoms d'Ibn ‘Arabî sont bien connus : Mohyîddîn, محي الدين « Vivificateur de la Religion »; al-Shaykh al-Akbar, الشيخ الأكبر « Doctor Maximus »; Ibn Aflatûn, إبن أفلاطون le « fils de Platon » ou le Platonicien.
— Qui es-tu ? lui demande-t-il.
— Je suis la sourate Yasîn ! entend-il comme réponse.
Il marque ici une des premières pénétrations d’Ibn ‘Arabî dans le ‘âlam al-Mithâl, عالم المثال le monde des Images réelles et subsistantes, monde des corps subtils et des Apparitions.
Pour lui, l’homme est la créature privilégiée, la seule apte à recevoir la Révélation, car elle est la seule à résumer en elle tous les noms de Dieu : c’est la théorie dite de « l’homme parfait », un homme qui reproduit à son échelle le cosmos. Dieu est l’être absolu, le seul qui existe vraiment, ici Ibn Arabi est amené à construire la théorie dite de l’unicité de l’être, wahdat al-wujûd, وحدة الوجود.
En construisant une doctrine extrêmement complexe et hermétique, Ibn Arabî participe puissamment de la structuration du soufisme et de son accomplissement comme science religieuse majeure. Au moment où Ibn Rushd réconcilie l’approche scientifique et la foi, Ibn Arabî propose quant à lui un mode d’approfondissement de la relation à Dieu à travers la voie mystique et ésotérique. Ibn Arabî, entre Al-Andalus et l'orient (Damas), joue ainsi un rôle-clé dans la revivification d’un islam qui est sur le point de subir de plein fouet le choc mongol.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire