lundi 24 février 2014

L'ACCUEIL DU NUVEAU NÉ À TLEMCEN, RECETTES DE GRANDS-MÈRES

Nous avons abordé à plusieurs reprises l'organisation du Mawlid à Tlemcen et de la circoncision, baptèmes dans l'ancienne cité Zianide. Le résumé que je vous propose aujourd'hui concerne le comportement des familles Tlemceniennes vis à vis l'arrivée du nouveau né. Natuellement, on peut dire que dès les premières secondes de sa vie, tous les sens de l'enfant sont touchés « par sa culture », mais dans nos sociétés arabo-musulmanes, le sens de l'odorat en particulier est certainement beaucoup plus sollicité que dans les sociétés occidentales et il en reste chez l'adulte une sensibilisation singulière à toutes sortes d'odeurs particulières comme de parfums produits par les mélanges de substances odorantes présents tout au long de l'enfance. Oui on associe souvent l'amour à l'odeur: Le foin n'a pas la même odeur pour les chevaux et pour les amoureux, peut être c'est un vestige cuturel notre sensibilité aux odeurs diverses. Si on regrade bien, chez nous ce sont d'abord les sept premiers jours de sa vie pendant lesquels ont lieu plusieurs rituels traditionnellement, les rituels impliquent l'usage de plantes comme le Hénné et de produits odoriférants ainsi que de techniques tel la fumigation, l'onction, le massage : c'est que les odeurs et les « parfums » possèdent en eux-mêmes des propriétés purificatrices, protectrices et que leur action, directe et rapide, assure la bonne marche des rituels. Si l'enfant tombe malade, il sera alors l'objet de toute une série de pratiques magiques et médico-magiques où entrent en jeu, mais, dès avant la naissance, l'atmosphère de la pièce où a lieu l'événemenets t imprégnée d'odeurs fortes.

L''ACCOUCHEMENT:

La mère accouche traditionnellement chez elle souvent entourée des femmes de sa famille et de celles de la famille de son mari, les voisines aussi sont parfois présentes. Tout ce monde se tient dans la pièce et commente ; mais seules l'assistent la sage-femme qâbla, « celle qui reçoit », et parfois une autre femme, sa mère ou sa soeur.
Le jour même, on protège cette pièce contre toute mauvaise influence venant de l'extérieur en plaçant, près de la porte, un petit brasero ou kanoûn, qui exhale, tout au long de la journée, les senteurs fortes et acres des fumigations : graines de harmel3, poudre de racine de sarghine, à forte odeur d'iode, poudre d'alun shebba, gomme de férule à odeur acre, benjoin jâwf, encens lubân, gros sel que la qâbla prend soin de jeter de temps en temps sur les charbons ardents où son crépitement effraie les Jnoûne (ou El Mounin ou Hadouk Ness).
Lorsque l'accouchement se prolonge, la qâbla présentera à la femme une tisane fortement aromatique à base, par exemple, de clous de girofle, de menthe pouliot, de thym, de cannelle pour influer sur le système nerveux et provoquer un relâchement des muscles. Quand la délivrance approche, elle placera près de la jeune femme une casserole fumante où viennent de bouillir des clous de girofle dont les vapeurs doivent faciliter l'expulsion de la tête qui est proche. En Tunisie, tout de suite après la naissance de l'enfant et pendant sept à quinze jours, selon les familles, on donne à la mère des boissons aromatisées à la fois reconstituantes et calmantes : lait parfumé à la fleur d'oranger, du miel et du beurre fondu diluésdans de l'eau froide ou une tisane à base de raisins secs, figues sèches, caroubes, anis et fenouil. Il est évident que le bébé, couché auprès de sa mère, respire les arômes de ces boissons que l'on apporte plusieurs fois par jour. A Blida, en Algérie, on mettait du cumin, Kammoun sous la coiffe de celle quiaccouche, cumin qui restait ensuite pendant cinq jours entre la mère et le nouveau-né sous leur oreiller et que, depuis ses relevailles, elle porte commeun talisman sur la jambe.

LA NAISSANCE:

L'enfant, après que la sage-femme eut coupé le cordon, n'est en général pas baigné - on ne le lave souvent pas avant le septième jour - mais on luitamponne le corps avec un chiffon sec « pour lui essuyer le sang », puis on l'enduit d'un corps gras et on l'habille d'une chemise ou d'un tissu propre qu'il conservera jusqu'à son premier bain. Dès que l'enfant est sorti, avant même parfois de l'essuyer, la sage femme le prend sur ses genoux et lui murmure à l'oreille droite El Adân. Dès la première heure de son existence, le petit enfant est en but à toutes sortes de menaces. Cette période critique dure sept jours et souvent quarante jours, pendant lesquels on le protège très précisément contre toutes les menaces possibles. Un certain nombre de précautions sont prises:

1-Il ne sort pas de la maison et souvent même de la chambre, avant le septième ou bien le quarantième jour après sa naissance.;

2-il reste étroitement lié au corps de sa mère, dormant dans son lit jusqu'au septième jour au moins et souvent beaucoup plus tard, et il sera porté sur son dos quand elle sort de la maison, car il est impensable de laisser un
enfant seul ; il pourrait être maltraité ou même pris par les génies ; c'est aussi pourquoi, jusqu'au septième jour après sa naissance, l'enfant n'a pas de nom car il est censé rester ignoré de ces génies si redoutables pour lui.

Pour les protections, d'une part, de protéger du mauvais oeil la mère et l'enfant, c'est-à-dire du contact physique avec toute autre personne que la sage-femme qui est, en principe, la seule à ne pas avoir le mauvais oeil, et qui, bien au contraire, est porteuse de baraka. d'autre part, de purifier de la souillure du sang répandu qui, en outre, attire les génies : on purifie le lieu tout autant que la mère et l'enfant...« l'enfant ne se trouve en sûreté contre les coups des esprits que s'il est noyé dans une atmosphère de fumées odorantes». Dès sa naissance, on place, à la tête du berceau, soit le couteau qui a servi à couper le cordon, soit un miroir, une clé, un sachet Ahenicha contenant du sel, de l'antimoine kohl ou des brindilles de thuya 'ar'ar et des grains de coriandre kuzbur, ou encore du harmel, de l'alun shebba, de la sarghine, du benjoin jâwî, de la rue fîgel et de l'encens lubân. Ces objets resteront dans sa couche pendant quarante jours. Ajoutons que thuya, coriandre, harmel, sarghine, benjoin, rue et encens possèdent chacun une odeur particulière et que leur mélange produit un parfum singulier.

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