DE L'ART MORISQUE À L'ART MUDÉJAR AU PÉROU
La présence musulmane dans la Péninsule Ibérique a laissé une empreinte profonde dans des aspects vitaux des manières et des coutumes de cette région et par extension, dans les sociétés hispano-américaines (latino-américaines d´aujourd´hui). Ceci est le fruit d´une longue coexistence de plus de huit siècles avec le monde chrétien (depuis l´invasion arabo-Amazihe en 711 jusqu´à l´expulsion des morisques en 1609). Pour preuve, l´architecture mudéjare, qui est née dans un contexte de domination politique, quand l´art musulman s´adaptait aux exigences de la société chrétienne dominante après la Reconquête espagnole à partir du XIIIème siècle. Cependant, l´architecture mudéjare a conservé et récréé les principes essentiels de l´architecture arabe: un art à la beauté séductrice qui cherche à être un objet de plaisir pour les sens et, en même temps, une architecture dynamique qui résout les problèmes liés à la construction en employant des matériaux de grande plasticité et faciles à obtenir comme la céramique, le plâtre et le bois. L´emploi du bois (principalement le noyer, l´ébène et le cyprès) a été l´un des éléments les plus remarquables de l´architecture mudéjare en Amérique. La plupart des églises coloniales de Lima capitale du Pérou ont des toitures en bois et des toits décorés (plafond à caissons, charpente à entrelacs, toit lambrissé). Parmi les plus remarquables toitures mudéjares qui existent encore de nos jours à Lima se trouvent dans le Couvent et l’Eglise de Santo Domingo, la plus vieille de Lima, qui arbore dans sa porterie un magnifique toit mudéjar du XVIème siècle et dans sa bibliothèque un luxueux toit lambrissé mauresque. Le couvent de San Francisco, l´un des plus beaux de Lima, possède aussi ces motifs dans la coupole de son escalier; dans sa porterie où l´on peut observer trois embrasures de courbes mudéjares; dans l´église où les murs, les piliers et les voûtes sont décorés de grecques et d´entrelacs arabes; et dans le cloître qui compte une ample série d´arcs avec des azulejos et des toits lambrissés mudéjares. (voir les photos ci-jointes)
Les balcons fermés par des jalousies appelés en al-Andalous "Ajmeces" (de l´arabe "Ash-Ahamis, الشمس": ce qui est exposé au soleil ou parasol) car ils avaient pour fonction de protéger contre l´excès de luminosité solaire, sont l´un des exemples les plus remarquables du travail musulman en bois. Les «balcons de tiroirs» ont été employés aussi dans d´autres villes comme Cusco et Trujillo mais seulement occasionnellement, sans la profusion qu’on observe à Lima. Des exemples typiques de cet art mudéjar et de la technique musulmane en bois connue comme "Aashrabiyya, الأشربيّة" sont les balcons du Palais de l´Archevêché et du palais liménien de Torre Tagle, siège du Ministère des Affaires Etrangères péruvien. Ces détails des intérieurs et cette variété de balcons en bois en saillis suspendus aux façades des rues de Lima, au rythme de la tapada liménienne, ont donné à la ville un air arabe et ont captivé étrangers et locaux jusqu´aux premières années du XIXème siècle. C´est l´impression qu´avec la distance ont causé les tours et les coupoles de la ville, ainsi que l´air morisque des maisons, des jalousies et des célèbres balcons «volants» de «rues dans l´air», d´après la chronique du Père de la Calancha, dont la profusion donnait à la capitale une physionomie qui n’avait pas son pareil dans les autres villes américaines. Un autre élément arabe qui caractérisait les grandes maisons de l´époque était le vestibule de type «musulman» entre la porte d´entrée et le patio intérieur. Nous pouvons apprécier ces éléments caractéristiques des rues de Lima et spécifiquement de la maison musulmane connue sous le nom de "Moucharaby,المشرابي" dans les dessins du peintre allemand Johann Moritz Rugendas et surtout dans les délicats tracés du diplomate Français Léonce Angrand. Tous deux ont visité Lima, autrefois nommée la «Ville des Rois» pendant les premières décades du Pérou indépendant. (voir les photos ci-jointes)





Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire